top of page

Histoire d’Arthaz Pont-Notre-Dame

(Références « Histoire d’Arthaz Pont-Notre-Dame » par Paul Guichonnet, mémoires et documents publiés par l’Académie Salésienne, t.92-93)

Fondation d'Arthaz Pont-Notre-Dame

Fondation d'Arthaz Pont-Notre-Dame.jpg

Originellement, Arthaz et Pont Notre Dame constituaient deux entités communales indépendantes. La distance entre les deux chefs lieux n’était que de 1.5 km. Arthaz comptait alors 464 habitants contre 75 habitants à Pont Notre Dame.

 

La commune d’Arthaz Pont Notre Dame est née en 1813 du rattachement de Pont Notre Dame à Arthaz. La fusion administrative est concrétisée par la nouvelle organisation du duché de Savoie en 1819. Arthaz Pont-Notre-Dame fut à cette époque incorporée à la Province de Carouge, dans le mandement d’Annemasse.

 

Dans un premier temps, les deux mairies furent maintenues. Il fut décidé le 18 novembre 1837 de construire l’église et le bâtiment fut réceptionné le 31 décembre 1841. L’église se situe à équidistance des deux villages. A l’époque, aucune construction n’était érigée dans ce secteur.

La Pierre sourde

La Pierre sourde : ce nom générique de pira sorda, désigne un bloc qui renvoie l’écho.

 

Il s’agit d’un énorme rocher, sans doute une masse erratique, de la moraine glaciaire, mis au jour par l’érosion de la rivière, qui se trouve dans le lite de l’Arve, en amont du Pont Neuf. Le volume de la pierre fait qu’elle n’est jamais totalement recouverte, même par les plus hautes eaux. De la rive droite surtout, Arthaz, elle renvoie un écho retentissant.

 

Elle se trouve sensiblement à la limite de Nangy, Reignier, Arthaz, ce qui lui valu peut-être un ancien rôle symbolique de frontière.

la pierre sourde.jpg

Histoire d’Arthaz Pont-Notre-Dame

Dans un monde où l’uniformisation et la banalisation des genres de vie tendent, de plus en plus, à effacer les particularités locales, on ressent, par réaction, le sentiment de l’appartenance aux lieux qui nous sont familiers et de l’enracinement dans le terroir où ont vécu nos ancêtres. Cette curiosité pour le passé est également partagée par bon nombre de nouveaux habitants qui sont venus s’établir parmi nous et sont désormais nos concitoyens à part entière.

C’est pour répondre à cette recherche d’identité que j’ai écrit cette Histoire d’Arthaz Pont-Notre-Dame, commune à laquelle m’attachaient des liens de famille et d’amitié. Au long des siècles, l’histoire locale éclaire les évènements, de la « grande histoire » des pays et des peuples. Sous cet aspect, le passé d’Arthaz est particulièrement riche en exemples, car toutes les époques y sont représentées par des épisodes significatifs. C’est tout d’abord, comme dans toute la région autour du Salève, une humanisation précoce, qui s’étoffe au Néolithique de l’Age de la pierre polie (-2000 à –1500 ans) et de l’Age du Bronze (-1200 à –750 ans).

Cette Préhistoire a livré des vestiges sur le Plateau de Loëx. Avec les Celtes du Second Age de Fer (-750 à –120 ans), Arthaz, village gaulois, reçoit son nom : Artos, « le pays des ours ». Cet animal figure dans les armoiries que j’ai dessinées pour la commune, avec les ponts sur l’Arve et la Menoge et la Vierge de « Pont-Notre-Dame ». Le demi-millénaire de la civilisation gallo-romaine voit une prospère civilisation rurale, autour de domaines agricoles, ancêtres des actuels hameaux : Pilly, Truaz, Rossat. Arthaz vit dans la proximité de Genève (Genava), le grand centre urbain entre les Alpes et le Rhône, voisinage qui va, jusqu’à nos jours, influencer le destin de la basse vallée de l’Arve.

L’établissement des Burgondes, peuplement germanique (443-534), autour de Genève, devenue capitale de leur royaume, est attesté par une ensemble de sépultures, que la tradition populaire nommera, à Pilly, « le cimetière des Païens ». Ces barbares étaient, en fait, christianisés et c’est à eux que remonte l’organisation de la vie religieuse, sous l’autorité de l’évêché de Genève, avec la naissance de la paroisse, à laquelle s’ajoutera au XV siècle, avec sa petite église, sur le versant dominant l’Arve, celle de Pont-Notre-Dame. Du V au XV siècles, le millénaire du Moyen-âge est, après la chute de l’Empire romain, le temps de la société féodale, divisée entre les trois catégories des « clercs », desservants des paroisses et moines des abbayes et prieurés, comme ceux de Truaz et, surtout de Peillonnex et de Contamine ; des seigneurs qui combattent et administrent et de la grande masse des paysans. Arthaz et Pont-Notre-Dame appartiennent au petit Etat de la dynastie du Faucigny, étendu des portes de Genève au Mont-Blanc, dans les bassins de l’Arve, du Giffre et de la Menoge et qui passera, en 1355, dans le domaine de la Maison de Savoie.

La modeste communauté, qui compte environ 200 habitants, est aux mains de seigneurs, avec leurs châteaux et leurs maisons-fortes : les puissants Dardel, les De Baudry, les Constantin de Moussy. La Renaissance est, au XVI siècle, marquée par des ruptures et des crises, avec les rivalités entre les monarchies – France, Empire des Habsbourg, Espagne – qui se disputent la suprématie en Europe, et la scission de la Réforme, entre catholiques et protestants Arthaz subit le contre coup des guerres de religion qui, autour de Genève, mettent aux prises les protestants, de la Cité de Calvin, alliés au roi de France Henri IV, et le duc de Savoie, soutenu par les Espagnols.


Le 17 octobre 1590, ces derniers subissent, dans les vignes du coteau de Rossat, une sanglante défaite, laissant 262 morts sur le terrain. Le début du XVII siècle, voit le retour de la paix, avec la reconnaissance de l’indépendance de la République de Genève et – à l’exception de la Savoie et de Nice – la perte de tous les territoires de la monarchie de Turin, à l’Ouest des Alpes (Bas-Valai, Pays de Vaud et de Gex, Bresse et Bugey). Jusqu’en 1792, une abondante documentation – comme celle du cadastre de 1730 – permet de décrire en détail la vie d’une paysannerie pauvre, sur un terroir possédé à 57% par les nobles et le clergé. De 1792 à 1799, dans le Duché conquis par les forces françaises, la société de l’Ancien Régime, est fortement affectée par les bouleversements de la Révolution. Les Jacobins persécutent le clergé « réfractaire », qui a refusé de prêter le serment de fidélité à la République, laquelle entend contrôler l’administration de l’Eglise.

La déchristianisation sévit : les cloches d’Arthaz sont abattues, pour être envoyées à la fonte et Pont-Notre-Dame, débaptisée, s’appellera, pendant un temps « Pont-Menoge ». Alors que les De Baudry adhèrent à l’ordre nouveau – ce qui leur vaudra de conserver leurs biens – leurs voisins Constantin de Moussy, demeurés fidèles au roi de Sardaigne, sont contraints à émigrer en Suisse et leur famille, ruinée, s’éteindra après 1815. Sous le Directoire, les biens de l’Eglise et des émigrés sont vendus, mais sont achetés surtout par des spéculateurs habiles et fortunés, comme les De Baudry, Babuty et Burnier, qui arrondirent ainsi leurs domaines. En 1799, après le coup d’Etat du 18 Brunaire, Bonaparte s’empare du pouvoir et, Premier Consul, est proclamé empereur, en 1804, sous le nom de Napoléon Ier.

Avant qu’il ne se lance dans des guerres de conquêtes, qui rendront son régime impopulaire, son gouvernement avait mis fin à l’anarchie politique du Directoire, rétablissant l’ordre public et instaurant la pacification religieuse, par le Concordat de 1801. C’est l’occasion en 1803, de réunir la paroisse de Pont-Notre-Dame à celle d’Arthaz et, en 1813, sera prononcée la fusion des deux communes. Tandis que Genève, annexée à la France en 1798, et devenue la préfecture d’un nouveau département, le Léman, est ruinée par le blocus continental, imposé par Napoléon pour asphyxier économiquement l’Angleterre, Arthaz, comme les communes voisines de la Cité, participe au ravitaillement agricole de la ville, activité qui va devenir dominante. Sa population augmente, dans la première moitié du XIX siècle, passe de 539 habitants en 1806 à 713 en 1826, pour atteindre un maximum, avec 824 en 1848. Après le retour de la Savoie à la dynastie de Turin, en 1815, les débuts de la Restauration « sarde » sont, au lendemain des orages de la révolution et de l’Empire, caractérisés, dans la paie retrouvée, par une intense recrudescence de la foi catholique. Pour remplacer l’ancienne église d’Arthaz, située à l’emplacement de l’actuelle «Chapelle », près de la maison de Baudry, devenue vétuste et trop petite, on décidera en 1837, la construction d’un nouvel édifice, au centre de la commune.

Achevée en 1841, l’église, au plan en croix grecque, est un exemple type de l’architecture religieuse néo classique. Ce transfert suscita des contestations et des polémiques, le curé refusant d’abandonner l’ancienne église et le presbytère, si bien que la nouvelle ne fut consacrée et livrée au culte qu’en 1854. Sur l’emplacement du premier édifice, la famille De Baudry fit bâtir la petite chapelle actuelle, restaurée Les Amis du Vieil Arthaz. En 1860, l’annexion de la Savoie à la France renforça la vocation agricole de la commune et ses relations avec Genève, dans le cadre de la Grande Zone franche douanière, facilitant l’exportation des produits « zoniers » vers la Suisse.


La troisième République crée, à partir de 1884, la démocratie communale, avec l’élection, au suffrage universel, du Conseil municipal, désignant, dans son sein, le maire et les adjoints. La lutte est vive, pour la laïcisation des écoles, entre les « rouges » de la gauche radicale et les « noirs » catholiques. De 1914 à 1918, Arthaz paie un lourd tribut à la Première Guerre mondiale, avec 36 tués ou disparus, soit 5.77% de la population recensée en 1911, taux très supérieur à la moyenne de la Haute-Savoie, de 4%. Au XX siècle, a été réalisée la modernisation des équipements communaux : surélévation et renforcement des arches du vénérable « Pont de Trébille », sur la Menoge, construit en 1768, pour remplacer un passage à gué ; « Pont Mille pattes » sur l’Arve, pour l’accès à Reignier ; création d’un corps de sapeurs pompiers ; adduction d’eau potable (1926 à 1932) ; électrification (1922 à 1923) ; dès 1892, usine électrique de la Basse-Arve, pour alimenter le chemin de fer touristique du Salève, passée à EDF après la nationalisation ; bureau de poste ; mairie et groupe scolaire. L’ancienne agriculture se transforme profondément. Elle était fondée sur la production des céréales, la vigne, l’élevage laitier.

Malgré la proximité d’Annemasse et de Genève, Arthaz gardait les traits d’un village traditionnel. On y parlait le patois auquel Louis Messerly a consacré dans l’ouvrage un savoureux chapitre, décrivant la vie d’autrefois. La commune est devenue l’un des principaux centres du département, ravitaillant les villes et les stations touristiques en légumes, en fleurs et les jardiniers en « plantons » à repiquer. La population, qui se tenait autour de 650 habitants à la fin du XIX siècle, était descendue à un demi-millier, dans l’entre deux guerres, à cause de l’exode rural et elle n’était encore que de 585 personnes, en 1963. Dans les quatre décennies suivantes, la commune a été entraînée dans le dynamisme démographique du bassin franco-genevois, l’un des plus vigoureux de la Haute-Savoie et de la Région Rhône-Alpes.

De nouveaux résidents ont porté la population à son maximum de 1261 personnes. Le nombre de frontaliers, migrants quotidiens du travail vers l’agglomération genevoise, a suivi une évolution parallèle, avec un effectif actuel de 321 frontaliers. Arthaz, en dépit de sa fonction de « commune dortoir » a conservé son identité, en pratiquant une vie associative intense, facteur de cohésion et d’assimilation des nouveaux venus à la communauté locale. On ne dénombre, en effet, pas moins de 14 organisations sportives, récréatives, caritatives et culturelles.

Professeur Paul
Guichonnet, doyen
Université de Genève
Faculté des sciences économiques et sociales

 

bottom of page